Encore une preuve que la popularité ne garantit pas la qualité. Oui, j'ai été déçue. La déception implique que j'avais certaines attentes, qui correspondaient tout d'abord à mon horizon d'attente1, pour reprendre les théories de Jauss. On m'avait recommandé cette série en me la décrivant comme une série à suspense, et la série se présente elle-même comme telle. Il s'agit de l'histoire d'une adolescente, Hannah, qui décide d'enregistrer plusieurs cassettes avant de mettre fin à ses jours. Ces treize cassettes concernent chacune une personne qu'elle considère comme ayant une part de responsabilité dans son suicide, d'où le titre. Le spectateur sait donc dès le premier épisode comment l'histoire se termine pour Hannah, et s'attend à des révélations importantes grâce aux cassettes. Telle est la promesse de la série. Non tenue selon moi. Au début je me suis dit qu'une révélation pourrait être qu'elle n'était pas morte, qu'il ne s'agissait que d'une mise en scène, mais cette hypothèse fut vite écartée par le rôle des parents d'Hannah qui avaient forcément dû voir le corps sans vie de leur fille. Alors j'ai attendu de voir ce que la série nous réservait. Mais le suspense n'a pas tenu bien longtemps. Chaque épisode est dédié à une personne, dont le nom est annoncé dès le début par la voix-off d'Hannah, et c'est à peine s'il y a un lien entre les 13. Comme il y a un nombre limité de personnages, et que le nombre 13 est donné d'emblée, on sait dès le début qu'ils vont presque tous y passer, il n'y a même pas de surprise dans la révélation des noms.

 

    Donc, pas vraiment de suspense pour ce qui s'est passé avant son suicide. J'en viens maintenant au temps présent, celui où le personnage principal, Clay, écoute les cassettes, une par épisode. On se demande d'ailleurs pourquoi il ne les écoute pas toutes d'un coup au lieu de laisser traîner ça sur plusieurs jours. Maintenir l'illusion du suspense peut-être. Cela dit ça aurait pu permettre de développer pleins de choses intéressantes après l'écoute des cassettes. Ça aurait pu. J'ai vraiment l'impression que les scénaristes aimaient bien l'idée des cassettes comme moyen d'introduire des flashbacks mais qu'ils ne savaient pas trop quoi faire des personnages au temps présent. D'un côté il y a Clay qui passe son temps à se demander ce qu'il y a sur les cassettes sans les écouter, et de l'autre il y a les douze autres personnes qui s'inquiètent de savoir ce que Clay fera quand il sera au courant de tout. Le principe des cassettes est aussi de faire tomber les masques et de montrer qu'il ne faut pas se fier aux apparences ; mais les révélations n'ont vraiment rien d'original. En gros, les garçons sont tous irrespectueux envers les femmes (à des degrés divers). C'est d'ailleurs assez difficile de s'attacher aux personnages. De façon très manichéenne, il y a les accusateurs et les accusés. Personnellement, je déteste les personnages accusateurs de manière générale, et là on peut dire que j'ai été servie ! Les cassettes sont déjà des accusations, redoublées par le personnage de Clay, qui ne peut s'empêcher de faire la morale aux autres, alors que lui peut se permettre d'envoyer à tout le monde la photo d'un gars nu sans que ça pose de problème parce que c'est le gentil de l'histoire. Les étiquettes sont dures à enlever. Et comme si ça ne suffisait pas, il y a aussi les parents d'Hannah, surtout la mère, qui veulent savoir à qui la faute et vont jusqu'au procès. La série a un message et compte bien le faire passer. Avec des sabots selon moi.

 

    Quand j'imagine la conception de cette série, j'imagine que la volonté de faire passer un message (dénoncer le slut-shaming et les agressions sexuelles, faire tomber les tabous quels qu’ils soient) fut la base qui amena l'idée des cassettes et du suicide, et qu'enfin ils imaginèrent les personnages, notamment celui d'Hannah. Ce qui m'amène à penser que ce n'est pas parce qu'on réunit des aliments que l'on aime séparément que ça donnera quelque chose de bon une fois mélangés. Je dis ça parce que le personnage d'Hannah ne me semble pas coller avec l'idée du suicide. Elle est présentée comme une femme forte, qui a bien conscience de ce qu'elle subit, du fait que ce n'est pas normal et que ce n'est pas de sa faute, elle n'hésite pas à en parler au conseiller du lycée (mais pas à ses parents curieusement), et pourtant la série s'obstine à lui faire jouer le rôle de la victime (parce que les femmes ne sont que des victimes c'est bien connu) qui finit par se suicider, ce que je ne trouve pas crédible. De plus, l'accumulation de tout ce qu'elle endure fait que rapidement ce n'est plus vraisemblable, ça en fait trop.

 

    En définitive, je comprends que la série ait fait parler d'elle, mais malheureusement avoir un message fort à faire passer n'est pas suffisant pour faire une série de qualité. Je n'ai pas lu le livre dont la série est adaptée, je ne sais donc pas ce que les scénaristes ont modifié, je peux juste dire que de mon point de vue la série présente de nombreux défauts.

 

 

1 Hans Robert Jauss, Pour une esthétique de la réception, Paris, Gallimard, 1978

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